10 faits encourageants qui témoignent de progrès pour la nouvelle décennie
Bassin versant de Next Creek, C.-B. (Photo de Steve Ogle)
Par Dan Kraus, biologiste principal en conservation à CNC
Au début des années 2010, le monde semblait prêt à accueillir le changement. Nous pouvions ressentir une prise de conscience croissante de la nature et de l’environnement en général, et les voix appelant à agir sur le climat et la conservation se faisaient de plus en plus entendre. Les Nations Unies ont demandé une transition vers un véritable développement durable et ont annoncé que les années 2010 seraient la Décennie internationale de la biodiversité.
Dix ans plus tard, une nouvelle décennie s’amorce. À bien des égards, on croirait encore entendre ces mêmes voix réclamer les mêmes actions. Pour les pessimistes, les statistiques ne mentent pas. La quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ne s’est pas stabilisée au cours des 10 dernières années; elle est plutôt passée de 338 parties par million (ppm) à 412 ppm. De plus, au cours de cette Décennie internationale de la biodiversité, le nombre d’espèces inscrites sur la Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a doublé pour atteindre plus de 30 000. Les scientifiques estiment maintenant que jusqu’à 1 million d’espèces pourraient être menacées d’extinction dans les prochaines années.
Le changement, en particulier à l’échelle d’un pays ou d’une planète, prend du temps cependant. Il est rarement linéaire, souvent non séquentiel et jamais prévisible. Au cours de la dernière décennie, certains signes nous laissent toutefois croire que le monde se transforme. Pas aussi rapidement que certains le souhaiteraient, et peut-être pas à la vitesse idéale, mais dans le chaos des pas en arrière, de ceux de côté, du sur place et des grandes annonces, nous avançons. Nous franchissons des étapes qui nous permettent de créer un monde meilleur pour la nature et, par conséquent, meilleur pour les gens.
Voici 10 faits tirés de la dernière décennie en matière de conservation, au Canada et dans le monde entier, qui donnent espoir. Des exemples qui, s’ils sont amplifiés, répétés et mis à profit, contribueront à façonner le monde dont nous avons besoin pour la nouvelle décennie.
1. La science citoyenne
Wildpaths maritimes est un projet de science citoyenne qui aide à protéger la nature à l'aide de l'application iNaturalist. (Photo de CNC)
Les années 2010 ont vu l’essor rapide de la science citoyenne. En effet, presque chaque personne sur la planète porte sur elle un des outils scientifiques les plus puissants jamais inventés : un téléphone portable. Quelques clics suffisent pour que des applications telles qu’iNaturalist ou eBird nous permettent à tous, comme jamais auparavant, de documenter la nature. Plus de 1 milliard d’observations figurent maintenant dans le Système mondial d’information sur la biodiversité. Ces observations s’ajoutent à nos connaissances existantes au sujet de la nature et nous permettent d’améliorer notre façon de la protéger.
2. Des villes plus naturelles
Vue sur Edmonton, Alb. (Photo by Pixabay)
Les villes se développent rapidement dans le monde entier. Bien que la croissance urbaine puisse être la cause de nombreux problèmes écologiques à travers la planète, la nature fait un retour en force. Avec l’amélioration de la qualité de l’eau, il est maintenant possible de voir des phoques nager dans la Tamise à Londres (R.-U.). Ailleurs au Canada, des villes comme Edmonton et Toronto ont élaboré des stratégies de biodiversité et se lancent dans d’audacieux projets de restauration afin d’intégrer la nature dans l’environnement bâti. Ces projets offrent des passerelles qui permettent aux gens de se rapprocher du monde naturel et de redécouvrir la relation qui existe entre la nature et les humains.
3. Des aires protégées en expansion
Kenauk, Qc (Photo de Mike Dembeck)
L’un des changements les plus inspirants de la décennie 2010 a été la croissance rapide des aires protégées. Avec 15 % des terres et des eaux intérieures de la planète protégées, l’objectif mondial de protection de 17 % d’ici 2020, fixé par la Convention sur la diversité biologique, sera atteint. Au Canada, la superficie des aires protégées a augmenté de près de 12 %. Cette croissance a été favorisée par le Programme de conservation des zones naturelles (PCZN). Dans le cadre du PCZN, CNC, Canards Illimités Canada et ses partenaires ont conservé plus de 446 000 hectares (plus de 1,1 million d’acres) et ont obtenu des résultats de conservation de près de 1 milliard de dollars. Ce qui est possiblement encore plus important que nos réalisations, ce sont nos aspirations pour le futur. Le Canada s’est fixé comme objectif de conserver 25 % de ses terres et de ses océans d’ici 2025, ainsi que de travailler à en augmenter la conservation de 30 % d’ici 2030. Un leadership mondial est assuré par le Canada en atteignant ces nouveaux objectifs.
4. Le rétablissement d'espèces
Malgré un nombre croissant d’espèces menacées, la liste des espèces que nous sauvons de l’extinction s’allonge. Au cours de la dernière décennie, deux des espèces en voie de disparition les plus emblématiques au monde, le panda géant et le gorille de montagne, ont été été déclassées de la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Au Canada, le faucon pèlerin, la paruline à capuchon et le grenadier berglax (un poisson) ont tous été réévalués comme non en péril, et ce, grâce aux efforts de conservations déployés. Des espèces telles que le cypripède blanc (une orchidée), le bison des bois et la grenouille-à-queue des Rocheuses ont également été déclassés.
5. Des aires protégées autochtones
Au cours des 10 dernières années, le rôle essentiel des peuples autochtones dans la protection de la nature a été mieux reconnu par les gouvernements et les organisations de conservation. L’UICN a également créé une nouvelle catégorie, soit les Aires protégées et de conservation autochtones. En Colombie-Britannique, les parcs tribaux et les organismes de conservation sont en expansion. En 2018, le Canada a annoncé la création de l’aire protégée d’Edéhzhíe, dans le territoire traditionnel du Dehcho dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans le cadre des efforts du Canada pour agrandir les aires protégées, le processus a été conçu de manière à respecter les droits, les responsabilités et les priorités des peuples autochtones et est dirigé par le Cercle autochtone d'experts.
6. De nouvelles forêts
Le reboisement et l'amélioration de la gestion des forêts ont un grand potentiel pour éliminer le CO2 de l'atmosphère (Photo de CNC)
De nombreuses forêts de la planète sont en péril. Les dernières zones sauvages de la Terre sont maintenant limitées à quelques pays seulement, dont le Canada. Cependant, les années 2010 ont aussi été une décennie de reboisement dans de nombreuses régions du monde. En 2011, le Défi de Bonn (Bonn Challenge) a été créé en tant qu’initiative mondiale visant à restaurer 150 millions d’hectares de terres dégradées dans le monde d’ici 2020, et 350 millions d’hectares d’ici 2030. Dans des pays comme la Chine, l’Inde et les États-Unis, ces nouvelles forêts sont le résultat d’une augmentation globale du couvert forestier .
7. Des progrès (difficiles) en matière de changements climatiques
Au cours de la dernière décennie, nous avons acquis une compréhension très claire, et noté de plus en plus d’exemples, sur les répercussions des changements climatiques sur la société. Nous avons compris comment nous pouvons utiliser des solutions fondées sur la nature pour aider à réduire les impacts, et que la croissance économique et la pollution par le carbone ne vont pas forcément de pair. Grâce à l’Accord de Paris, nous avons également obtenu un large consensus sur le fait que notre « thermostat planétaire » ne peut pas être réglé à plus de 2 degrés Celsius. Cependant, comme nous venons de le voir avec les résultats mitigés des récents pourparlers de la COP25 à Madrid (Espagne), il appartient peut-être aux individus, aux villes et aux entreprises de prendre la tête du mouvement mondial de réduction de la pollution par le carbone.
8. De nouveaux outils qui sont un signe d'espoir
Île de Jeannotte et île aux Cerfs, rivière Richelieu, Qc (Photo de Claude Duchaîne)
Les défenseurs de l’environnement ont parfois la réputation de se concentrer sur le malheur. Les listes et les cartes que nous créons et qui mettent en évidence l’urgence et la perte sont essentielles, mais elles n’indiquent pas notre succès et nos possibilités. C’est pourquoi au cours de la dernière décennie, de nouveaux outils ont été mis au point pour créer des « listes vertes » pour les espèces et les aires protégées qui mettent en évidence ce qui fonctionne en conservation. Une nouvelle norme a été élaborée pour déterminer et cartographier les zones clés pour la biodiversité (ZCB) dans le monde entier. Ces zones mettent en évidence les endroits au Canada et dans le monde où nous pouvons encore protéger certaines des espèces sauvages et des écosystèmes les plus importants de la planète.
9. #NaturePourTous
Il faut que les gens accordent de la valeur et, ultimement, qu’ils aiment la nature pour aider la conservation. Dans de nombreuses cultures occidentales, le fossé creusé entre la société et l’écologie dégrade à la fois la nature et notre bien-être. L’initiative #NaturePourTous de l’UICN s’efforce de rétablir ce lien en faisant la promotion des bienfaits d’une meilleure connexion avec la nature.
10. L'appuie de la population pour la conservation
Malgré des progrès souvent lents et de fréquents contretemps, la protection de la nature bénéficie d’un très fort appui. Au Canada, la grande majorité de la population est favorable à la protection des espèces menacées et à l’augmentation des aires protégées, et plus heureuse lorsqu’elle passe du temps dans la nature. Cet appui se manifeste dans toutes les régions et tous les groupes d’âge, au Canada comme dans d’autres pays.
À l’aube de 2020, voici notre situation : nous savons généralement ce que nous devons faire, et ce que nous devons faire mieux; nos résultats ne sont toutefois pas à la hauteur. Il est prouvé que nous pouvons sauver des espèces, que nous pouvons avoir une croissance économique et réduire la pollution au carbone, et que nous pouvons améliorer notre bien-être par un lien plus étroit avec la nature.
Il n’y aura peut-être jamais de meilleur moment pour que la tension causée par la transition nous propulse de l’avant. Le soutien du public est fort, et Patrimoine naturel du Canada investira 1,35 milliard de dollars dans la conservation. C’est pratique, non pas magique. Les Nations Unies ont déclaré 2020 comme la Décennie de la restauration des écosystèmes. La prochaine pourrait être l’occasion de changer résolument de cap pour sauver la nature et préparer le terrain pour un avenir durable.