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Un succès signé CNC

PAR Brian Banks, auteur et journaliste primé

La campagne Laissez votre signature de Conservation de la nature Canada (CNC) a permis d’augmenter de 115000kilomètres carrés la supercie des terres et des eaux protégées au pays. Cette expansion a été rendue possible grâce aux dons versés par 110000Canadiens et Canadiennes de toutes les régions et de tous les milieux.

Bien que l’île Cockburn soit la septième plus grande île des Grands Lacs, elle passe généralement sous le radar. Dans le milieu de la conservation, elle est toutefois dans la mire de tous. Située dans la partie nord du lac Huron, à l’ouest de l’île Manitoulin, cette île de 17 000 hectares (42 000 acres) abrite l’une des plus grandes forêts intactes de feuillus du sud de l’Ontario et les plus grands écosystèmes riverains de cette même région. L’île Cockburn fournit un habitat à bon nombre de plantes et d’animaux d’importance mondiale et constitue une aire de reproduction et une halte migratoire vitale à de nombreuses espèces d’oiseaux chanteurs et de sauvagines.

Depuis 2012, CNC, appuyé par des milliers de donateurs et donatrices, mène un effort international pour la protection de l’île Cockburn. Ce projet, qui se poursuit depuis 2013, concrétise la vision de la campagne de financement nationale Laissez votre signature, un travail de 8 années qui vient tout juste de prendre fin et qui a permis d’amasser plus de 750 millions de dollars pour la cause de la conservation, grâce à 1,1 million de dons. Cette campagne a mené à l’expansion du réseau de terres et d’eaux protégées de CNC d’une superficie record de 115 000 kilomètres  carrés; un succès retentissant et indéniable.

Bénévoles, activité de plantation d'arbres, Ont. (Photo de CNC)

Bénévoles, activité de plantation d'arbres, Ont. (Photo de CNC)

En plus du nombre de propriétés protégées et de la somme recueillie, la troisième mesure du succès de Laissez votre signature est celle des 110 000 donateurs et donatrices de toutes les régions et de tous les milieux qui se sont mobilisés pour sauver les terres et les eaux qui assurent notre subsistance. Fait encore plus impressionnant, les deux tiers de ces personnes en étaient à leur premier don, et près de 100 000 d’entre elles ont donné moins de 1 000 $, ce qui démontre bien l’importance de chaque don.

« CNC a écouté la population et sa vision d’un monde meilleur, puis l’a transformée en un objectif concret pour lequel les Canadiens et Canadiennes ont témoigné leurappui », indique Kyria Knibb-McLuhan, directrice
principale, Campagne et Développement à CNC.

Pour deux de ces donateurs, Jan Oudenes et Isobel Ralston, l’île Cockburn a marqué leur point d’entrée dans la campagne. En 2017, le couple de la région de Toronto a vendu une entreprise prospère pour prendre une retraite bien méritée. Fervents pagayeurs et randonneurs, ils ont alors décidé de consacrer le prochain chapitre de leur vie ainsi que leur richesse accumulée à la lutte contre les changements climatiques et la perte de la biodiversité. À cette fin, ils ont créé MapleCross, une entreprise autofinancée dont la mission est de protéger la nature au Canada, en soutenant des organismes qui se consacrent à la sauvegarde des terres écosensibles.

« Au cours d’une conversation avec CNC, on nous a parlé de l’île Cockburn », raconte Mme Ralston. À l’époque, au début de 2019, CNC tentait d’amasser des fonds pour acquérir une parcelle de 586 hectares (1 450 acres) pour l’ajouter aux 60 % de l’île Cockburn déjà acquis. Comme la plupart des gens, le couple n’en avait jamais entendu parler. Mais lorsqu’ils ont pris connaissance de la valeur écologique de l’île et du plan de protection et d’intendance déjà en place, ils ont financé la majorité de l’acquisition de ce qu’on appelle aujourd’hui le MapleCross Tract.

Depuis, MapleCross a été la principale donatrice dans l’acquisition de 4 autres propriétés, lesquelles totalisent 1 463 hectares (3 614 acres), sous la bannière de la campagne Laissez votre signature. Deux de ces propriétés se trouvent en Ontario, les autres sont au Québec et en Saskatchewan. « Nous avons demandé à CNC de nous soumettre des propositions, mentionne M. Oudenes. En fait, nous leur avons demandé de présenter leur priorité à la lumière de leurs connaissances. Nous voulons investir dans la conservation des terres, pas seulement dans notre cour arrière en Ontario, mais partout au Canada. Nous voulons faire une différence là où nous pensons que les besoins sont les plus grands. CNC nous permet d’avoir cette portée nationale. »

Chaque don compte

Même si les personnes qui ont donné à la campagne Laissez votre signature n’avaient pas toutes les mêmes moyens, la même motivation ou le même but, Kyria Knibb-McLuhan note qu’elles ont toutes joué un rôle similaire, de manière directe ou indirecte, puisqu’elles ont aidé CNC à concrétiser les trois principaux thèmes de la campagne qui sont Conserver, Connecter et Inspirer. « Chaque don a fait une différence. »

« Conserver était déjà au coeur de notre travail de chaque jour, de chaque semaine et de chaque année, souligne Mme Knibb-McLuhan. Notre objectif était toutefois de conserver encore plus, d’accélérer la cadence et de le faire plus efficacement et de la meilleure façon, afin d’obtenir les meilleurs résultats qui soient. Et nous avons assurément réussi. »

En plus des particuliers, on compte parmi les contributeurs de la campagne Laissez votre signature le gouvernement fédéral, les provinces, des entreprises, des fondations familiales, des groupes communautaires et un éventail d’autres organismes.

La majeure partie des fonds fédéraux ont été octroyés par l’entremise du Programme de conservation des zones naturelles et de celui qui l’a remplacé, soit le Programme de conservation du patrimoine naturel. Pour avoir accès ces fonds, CNC est tenu de recueillir des contributions de contrepartie (1,5 : 1) auprès d’autres donateurs. « C’est ce qui explique, en partie, que le rôle et les compétences de CNC soient si particuliers, observe Mme Knibb-McLuhan. Nous avons la capacité de réunir des partenaires remarquables, qu’il s’agisse de particuliers et de gouvernements, ou bien d’entreprises et de communautés autochtones, pour réaliser cet important travail de conservation. »

Deux exemples très différents, mais complémentaires, illustrent ce point.

Le premier, qui remonte aux débuts de la campagne, concerne une magnifique propriété de 12 357 hectares (30 535 acres) détenue et gérée par la Waldron Grazing Co-operative Ltd, qui rassemble 50 exploitants de ranch des contreforts du sud de l’Alberta. En 2013, CNC a collaboré avec les propriétaires à l’élaboration d’une entente de conservation (accord juridique imposant des restrictions relativement à l’utilisation d’une propriété) pour s’assurer que les prairies, ruisseaux et forêts de Waldron demeurent intacts pour toujours. En vertu de cette entente, les actionnaires de la coopérative peuvent poursuivre des pratiques de pâturage, mais ne peuvent faire de changements quant à leur utilisation de la propriété. En 2015, la coopérative a acheté une propriété adjacente de 1 700 hectares (4 200 acres) et une autre entente de conservation semblable y a été conclue en 2016.

Ranch Waldron, Alb. (Photo de Kyle Marquardt)

Ranch Waldron, Alb. (Photo de Kyle Marquardt)

Cette propriété conservée constitue la plus vaste étendue de terres privées sur le versant est des Rocheuses. Sa protection assure la pérennité de services essentiels tels que la filtration de l’eau, le stockage de carbone, la protection des sols et la présence de cultures fourragères pour les animaux domestiques et sauvages. Au nombre des alliés financiers, en plus de la Waldron Grazing Co-op, soulignons le Gouvernement de l’Alberta, plusieurs fondations locales, une entreprise albertaine et quelques particuliers locaux.

Le deuxième exemple est tout aussi novateur et a été inspiré par une jeune génération passionnée par la nature en Ontario. À la fin de 2019 et au début de 2020, 49 élèves de 12e année inscrits au programme de leadership en affaires « Beyond Borders » du conseil scolaire Upper Grand District de la région de Guelph ont organisé un gala de bienfaisance annuel, qui a permis de recueillir une somme de 109 000 $ à distribuer à 4 organismes de bienfaisance. Ils ont remis 25 000 $ à la campagne Laissez votre signature de CNC.

Les trois autres organismes de bienfaisance avaient trait aux hôpitaux et aux soins de santé, mais selon Mike Parsons, fondateur et directeur du programme, les élèves « avaient à coeur de soutenir un organisme de bienfaisance voué à protéger l’environnement » après avoir étudié la durabilité et la responsabilité des entreprises dans le cadre de leur programme. « Quelques élèves ont trouvé CNC et l’ont présenté en classe comme une grande cause qu’ils voulaient soutenir, et les autres ont immédiatement approuvé cette idée », raconte mM. Parsons.

Lorsque la pandémie de COVID-19 sera terminée, il espère que les étudiants des années suivantes continueront de soutenir CNC et participeront concrètement au travail de l’organisme en faisant, par exemple, la visite guidée de certaines propriétés ou en invitant des conférenciers.

Se connecter à la nature

Buffalo Pound, Sask. (Photo de Jason Bantle)

Buffalo Pound, Sask. (Photo de Jason Bantle)

Selon Mme Knibb-McLuhan, ce même sentiment était au coeur du deuxième thème de la campagne : Connecter.

« Connecter visait avant tout à mettre la population canadienne en contact avec la nature, car lorsqu’on s’y connecte et qu’on la comprend, on y accorde plus de valeur et on vient à la prendre en considération dans nos décisions, soutient-elle. « En ce qui concerne la prochaine génération d’enfants que nous élevons et qui seront les leaders et décideurs
de demain, il va sans dire que nous voulons qu’ils pensent à la nature. »

À cette fin, pendant la campagne Laissez votre signature, CNC a continué de développer son programme de bénévolat sur le terrain, dans le cadre duquel les bénévoles passent du temps sur les propriétés de CNC, aux côtés de scientifiques en conservation, à faire le dénombrement d’espèces, à entretenir les propriétés, à améliorer les habitats, en plus de participer à d’autres activités. CNC a également élargi sa série de conférences et, plus récemment, son programme de webinaires en ligne. En tout, Mme Knibb-McLuhan fait valoir que plus de 300 000 personnes, dont 18 000 bénévoles, ont établi un lien avec la nature par les différents canaux de CNC au
cours des 8 années de la campagne.

Le lien avec la nature a été l’un des principaux facteurs qui ont incité Jane Inch, une résidente d’Ottawa, à faire un don à CNC lors de la campagne Laissez votre signature. « La nature a toujours été très importante pour moi, affirme-t-elle. C’est un lieu de réconfort, d’aventure et de plaisir. J’ai l’impression que la nature m’a beaucoup apporté dans la vie. Je réalise cependant que de nombreuses menaces pèsent sur elle. Je suis donc reconnaissante de pouvoir maintenant
redonner à la nature et la soutenir, elle qui m’a tant donné. »

Curieusement, bien qu’elle habite en Ontario, lorsque Mme Inch a décidé de donner à CNC, c’est avec l’équipe régionale de la Saskatchewan qu’elle a communiqué.

« J’avais entendu parler de la diminution de la population d’un oiseau, le tétras des armoises, dans les prairies du sud de la Saskatchewan et cette information a capté mon attention. Je me suis dit que j’aimerais me concentrer sur une cause que d’autres Canadiennes et Canadiens ignoraient. Beaucoup de personnes voient des choses sur les ours polaires dans l’Arctique et entendent parler des baleines sur les côtes. Le tétras des armoises ne fait pas les manchettes comme ces espèces de bien plus grande taille. »

Plusieurs années après avoir fait son don, Mme Inch s’est rendue en Saskatchewan pour voir la propriété qu’elle a appuyée et en apprendre davantage sur la région. « CNC
avait des programmes en place dans ma région, mais j’ai plutôt parcouru une très longue distance pour participer à un d’entre eux », raconte-t-elle.

Ce qu’elle a vécu, de façon quelque peu inattendue, c’est « d’avoir l’impression d’entrer dans une communauté qui partage les mêmes aspirations que moi », explique-t-elle. « Aussi, j’ai trouvé intéressant de voir les gens qui vivent près de ces écosystèmes de prairies. Je n’avais jamais visité une communauté d’exploitants de ranch ni discuté avec les peuples autochtones de la région. L’écosystème dans son ensemble ne se résumait pas simplement aux espèces. Mes horizons se sont considérablement élargis grâce à cette aventure. »

Inspirer à conserver la nature

Jan Oudenes et Isobel Ralston (Photo de Mike Ford)

Jan Oudenes et Isobel Ralston (Photo de Mike Ford)

L’expérience de Mme Inch témoigne du troisième thème de la campagne : Inspirer. Ce thème nous mène à servir d’inspiration aux donateurs et donatrices, à la prochaine génération de chefs de file en conservation et au secteur de la conservation de la nature dans son ensemble.

Pour interpeller la prochaine génération pendant la campagne, CNC a bonifié son programme de stages, lequel est passé de 30 stages par année à plus de 90. « Certains stagiaires restent à CNC, grandissent au sein de l’organisme et mènent d’excellentes carrières. D’autres se dirigent vers d’autres organismes. Les stages alimentent tout le secteur de la conservation », soutient Mme Knibb-McLuhan. La campagne permet aussi aux donateurs et donatrices de CNC  d’appuyer le secteur en fournissant des ressources financières, du personnel, des outils, des connaissances et de la technologie à d’autres organismes de conservation canadiens.

L’objectif d’inspirer les autres ne se limite pas à CNC. Isobel Ralston et Jan Oudenes affirment que l’un de leurs objectifs en tant que grands donateurs est d’inspirer d’autres personnes à soutenir la conservation. « Les sommes injectées dans la protection de la nature sont encore assez limitées, déplore M. Oudenes. Nous aspirons en partie à transmettre ce message, à inspirer les autres et à faire en sorte que le mouvement prenne de l’ampleur. » Ces visées mettent en évidence un point important. Malgré les excellents efforts des donateurs, donatrices et autres personnes qui nous ont appuyés pour mener à bien notre campagne, ainsi que les réalisations remarquables qui en découlent, le travail n’est pas terminé.

« Nous avons fait de si grandes avancées, mais il en faudra beaucoup plus pour nous rendre là où nous devons être, au pays comme partout dans le monde, déclare Mme Knibb-McLuhan. Par exemple, le Canada s’est engagé à protéger 30 % de ses terres et de ses eaux d’ici 2030. Ainsi, l’un des objectifs à long terme de CNC est d’aider les autorités canadiennes à respecter cet engagement. »

La réalité est que d’importants types d’habitats sont encore en déclin, et que les deux menaces soulevées par Mme Ralston et M. Oudenes, soit les changements climatiques et la perte de la biodiversité, nécessitent toujours une attention plus urgente.

Au moment où CNC célèbre la fin d’une campagne, l’organisme travaille déjà à l’élaboration de son prochain plan stratégique. Kyria Knibb-McLuhan ajoute qu’elle et d’autres membres de l’organisme puisent leur inspiration personnelle dans l’engagement qu’ils ont vu chez tant de gens ayant appuyé la campagne Laissez votre signature pendant ces huit dernières années.

« Je crois que le niveau de sensibilisation et le sentiment d’urgence sont plus forts que jamais. La conversation sur les changements climatiques revêt plus d’importance que jamais auparavant pour la population canadienne. Nous sommes tous conscients que nos gestes ont de grandes retombées sur l’humanité. Tous ces enjeux pèseront fortement dans la balance dans les prochaines décisions de CNC. »

Cet article est tiré du numéro Hiver 2021 du Magazine Conservation de la nature Canada. Cliquez ici pour savoir comment vous procurer notre magazine >

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