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50 ans d’efforts de conservation des zones humides : une collaboration mondiale

Tourbière de Black River, N.-É. (Photo de Mike Dembeck)

Tourbière de Black River, N.-É. (Photo de Mike Dembeck)

Par Dan Kraus, biologiste principal à Conservation de la nature Canada
Publié dans le cadre de la Journée mondiale des zones humides (2 février 2021)

Il y a 50 ans, une majorité de pays se sont réunis pour créer le premier accord mondial de conservation d’un habitat naturel. Ce type de milieu, longtemps sous-évalué, disparaissait rapidement. Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu'il ne s'agissait pas des forêts tropicales humides, des récifs coralliens ou des océans. Cet appel mondial visait à sauvegarder les zones humides (ou milieux humides).

Le 2 février 1971, la Convention relative aux zones humides d'importance internationale a en effet été adoptée dans la ville de Ramsar, en Iran. La « Convention de Ramsar » avait pour objectif de mettre fin à la disparition des zones humides, et ce, à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, 171 pays, dont le Canada, en sont signataires.

La Convention de Ramsar a contribué à la protection de nombreuses zones humides. Ainsi, plus de 2 400 ont été désignées comme d’importance internationale. Le Canada compte 37 sites Ramsar, dont les zones humides de Columbia (C.-B.), des lacs Quill (Sask.), du lac Saint-Pierre (Qc) et de l’estuaire de la rivière Grand Codroy (T.-N.-L.). La Journée mondiale des zones humides marque la signature de la Convention de Ramsar et souligne l’importance de la conservation de ces milieux.  

Les tourbières stockent 30 % du carbone terrestre (Avec la permission de Ramsar)

Les tourbières stockent 30 % du carbone terrestre (Avec la permission de Ramsar)

Malgré un accord mondial et une journée qui leur est consacrée, nous n’avons pas été bienveillants envers les zones humides au cours des 50 dernières années. En effet, durant cette période, plus d’un tiers des dernières zones humides du monde ont disparu. Ce déclin, plus rapide que celui des forêts, continue de s’accélérer.

Chaque pays, y compris le nôtre, doit maintenant prendre une décision de plus en plus critique : quelles zones humides choisirons-nous de sauvegarder et lesquelles accepterons-nous de perdre?
Nos décisions auront de l’importance aussi bien pour la nature que pour la population mondiale.

Au Canada, les zones humides se présentent sous plusieurs types. Par exemple, nos tourbières nordiques comptent parmi les plus vastes et les plus intactes qui subsistent sur Terre. Toutefois, dans le sud du pays, nous avons contribué à leur perte en asséchant des marécages (boisés et de prairies) et des marais salés côtiers. De nos jours, une fraction de nos zones humides d’origine y subsistent.

Les différents types de zones humides ont tous la même importance écologique. Ainsi, la conservation des fens (type de tourbière) qui bordent les Grands Lacs et les zones humides salées des prairies, ainsi que celle de plus de 90 autres communautés de zones humides, représentent une préoccupation mondiale.

Les zones humides constituent aussi des habitats de frai pour de nombreux poissons de pêche sportive. Chaque année, elles sont essentielles à la reproduction de millions de sauvagines en plus de jouer un rôle indispensable dans le maintien de la croissance des populations de canards du Canada. De nombreuses espèces en péril (terrestres et d’eau douce) fréquentent ou dépendent des zones humides, dont la benoîte de Peck (une plante), le râle jaune (un oiseau) et la tortue mouchetée.

Tortue mouchetée (photo de Gabrielle Fortin)

Tortue mouchetée (photo de Gabrielle Fortin)

La population canadienne a plus que jamais besoin de zones humides. Nos tourbières nordiques sont des géants mondiaux du stockage de carbone. Autour de nos villes et de nos fermes, ces zones constituent nos meilleures défenses naturelles pour protéger nos communautés contre les phénomènes météorologiques extrêmes et les changements climatiques rapides. En plus de stocker le carbone, les zones humides retiennent les eaux d’inondation, rechargent les ruisseaux en cas de sécheresse, freinent les ondes de tempêtes et servent de coupe-feu. Elles sont le « couteau suisse » de nos indispensables écosystèmes. La meilleure chose à faire pour les zones humides est de les laisser faire leur travail.

Célébrer la Journée mondiale des zones humides un 2 février peut paraître curieux puisque bon nombre de ces milieux sont gelés et couverts de neige. Ils attendent patiemment le retour du printemps pour entreprendre leur travail. À mesure que la glace se fissurera et que la neige fondra, les zones humides se rempliront du ruissellement printanier et, à la manière d’éponges géantes, elles transformeront les eaux de crue indésirables en flux estivaux dont nos rivières et nos ruisseaux ont grand besoin. 

Peu d’écosystèmes sur la planète regorgent d’autant de biodiversité que les zones humides du Canada. Après leur long sommeil hivernal, l’eau et les longues journées du printemps et de l’été entraînent une véritable explosion de photosynthèse qui génère à son tour une extraordinaire abondance de vie. Au printemps et en été, certaines de nos zones humides connaissent une croissance plus importante que celle d’une forêt tropicale humide pendant une année. Voilà pourquoi le troglodyte des marais (du Mexique) et l’hirondelle rustique (de la Bolivie) choisissent de faire leur voyage annuel vers le Nord.

Les 10 prochaines années marqueront la décennie où nous devrons prendre des décisions pour la nature. Au Canada, nous avons la chance incroyable de montrer la voie en matière de conservation au profit de la prochaine génération et pour le monde entier. Notre pays figure parmi plus de 30 nations qui se sont engagées à protéger 30 % de nos terres et de nos eaux d’ici 2030, ce qui représentera une augmentation de plus de 50 % de notre réseau actuel de parcs et d’aires protégées. La protection des vastes tourbières nordiques est l’occasion d’atteindre cet objectif. Ainsi, nous sauverons certaines des dernières zones humides naturelles de la planète. Dans le sud du pays, nous devons agir rapidement pour protéger les zones humides qui sont essentielles pour la nature, et celles qui nous protégeront contre l’évolution rapide des changements climatiques.

Estuaire de la rivière Campbell, C.-B. (Photo de Tim Ennis/CNC)

Estuaire de la rivière Campbell, C.-B. (Photo de Tim Ennis/CNC)

Plusieurs solutions existent et n’attendent que nous. En effet, les zones essentielles de biodiversité sont une occasion de localiser des zones critiques pour la faune et la flore ainsi que les écosystèmes intacts des milieux humides, dont un grand nombre sont susceptibles de devenir de nouveaux sites Ramsar. Des mesures incitatives comme le Programme d’encouragement fiscal pour les terres protégées et le programme ALUS, sont des outils qui récompensent les propriétaires fonciers qui veillent sur les zones humides de leurs communautés. Nous avons besoin de plans et de politiques progressistes pour renforcer cet élément essentiel de notre environnement. Nous pouvons tirer parti du succès de la restauration des zones humides dans des sites comme celui de l’île Pelée (Ontario) et l’estuaire de la rivière Campbell (C.-B.) pour mettre en évidence leurs bienfaits pour la nature et la population. Les dons faits à CNC pour appuyer la protection des zones humides peuvent être égalés par le Programme de conservation du patrimoine naturel du Gouvernement du Canada et la North American Wetlands Conservation Act.

Nous pouvons choisir d’être la nouvelle génération qui valorise, conserve et crée des zones humides, ou continuer à transmettre un déficit écologique à nos enfants. Il y a 50 ans, un engagement a été pris envers les générations futures en vue d’arrêter la perte des zones humides. C’est maintenant à nous de l’honorer.   

Cliquer ici pour une carte des sites Ramsar au Canada.

Liens d’intérêts (en anglais)

Duck factory

Pelee Island

North American Wetlands Conservation Act

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