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Le Canada vu des arbres : Comment être des leaders mondiaux en conservation

Aire naturelle du bassin versant de la rivière Whitemouth, Man. (Photo de Mike Dembeck)

Aire naturelle du bassin versant de la rivière Whitemouth, Man. (Photo de Mike Dembeck)

Par Dan Kraus, biologiste de la conservation à CNC – National

Les forêts définissent la géographie et l’identité canadienne. Un tiers de notre pays est en effet couvert d’arbres, et les forêts sont présentes dans chaque province et territoire. La foresterie procure plus de 200 000 emplois en plus de soutenir plusieurs communautés autochtones et nordiques. Nos forêts sont la raison pour laquelle j’ai rencontré plus de touristes – comme des Allemands au Yukon ou des Japonais dans le parc Algonquin – que de Canadiens au cours de certaines journées passées dans l’arrière-pays.

Il est facile de penser que nos forêts sont sans fin; c’est une idée préconçue depuis longtemps, mais qu’il nous faut changer. Même s’il y a de grandes étendues de forêts sur nos territoires nordiques, ces endroits sont parmi les derniers grands peuplements de forêts intactes de la planète. Dans le sud du Canada, nous avons perdu ou altéré plusieurs de nos forêts, ce qui a eu des conséquences sur la nature et sur la population. Si certaines de nos régions, par exemple les terres agricoles du sud-ouest de l’Ontario, étaient des pays, celles-ci seraient au même niveau que les pays en développement, comme Haïti et Madagascar, pour leur perte de couvert forestier.

Les forêts du sud du Canada ont été grandement touchées par les changements dans l’utilisation du territoire, la fragmentation de l’habitat et la présence d’espèces envahissantes. Dans certaines régions du sud de l’Ontario, les forêts sont passées à moins de 7 % du territoire et leur déclin se poursuit. Les insectes envahissants et les maladies ont fortement atteint plusieurs essences d’arbres, dont le frêne blanc, le châtaignier d’Amérique et l’orme d’Amérique. 

Les forêts à travers le pays

Bien que les forêts acadiennes de l’Atlantique ont un couvert forestier encore important, elles détiennent maintenant un pourcentage plus faible de superficie intacte que les forêts anciennes d’Europe. Dans l’ouest du Canada, plusieurs forêts abritent encore une diversité de grands mammifères, mais celles situées à l’extérieur des zones protégées subissent les pressions liées à l’utilisation du territoire. De 1966 à 1994, en Saskatchewan, le taux annuel de déforestation due à l’agriculture dans la zone de transition boréale équivalait à environ trois fois la moyenne mondiale. De toute évidence, nos forêts du sud sont en crise. 

La population canadienne a la chance de pouvoir en faire plus pour devenir un leader mondial en conservation des forêts. Dans le nord du Canada, nous avons une occasion unique de créer le plus grand réseau de forêts protégées au monde. Le Canada se classe peut-être au troisième rang pour la superficie de son couvert forestier (derrière le Brésil et la Russie), mais je parie que s’il y a un endroit dans le monde où des forêts intactes pourraient être sauvegardées, c’est bien le Canada.

La population canadienne est généralement peu familière avec ses forêts boréales. Dans l’arrière-pays, on peut trouver plus de forêts intactes que n’importe où sur la planète. Ces forêts sont également les plus importantes réserves de carbone terrestre dans le monde, emmagasinant deux fois plus de carbone par kilomètre carré que les forêts tropicales. Les forêts nordiques offrent un habitat pour la nidification à une grande diversité d’oiseaux migrateurs qui passent l’hiver aux États-Unis, en Amérique centrale et plus loin. On estime que la migration automnale compte entre trois à cinq milliards d’oiseaux.

Plus de conservation, plus rapidement

Si on augmentait l’aire de protection de la forêt boréale de 8,3 % (son état actuel) à 17 % pour nous aider à atteindre nos engagements internationaux de la Convention sur la diversité biologique, plus de 890 000 km2 de milieux naturels seraient protégés. Par la conservation additionnelle de terres par des communautés autochtones et différentes collectivités au pays, des superficies beaucoup plus vastes de nos forêts boréales pourraient être protégées – devraient être protégées – permettant de maintenir la nature sauvage de ces forêts et les espèces qui y vivent, comme le caribou des bois. Si nous protégions au moins 50 % des forêts boréales du Canada, l’aire totale protégée serait plus grande que le Mexique et l’Amérique centrale combinés. La conservation de ces forêts est importante non seulement pour le Canada, mais pour le monde entier. 

Le Canada pourrait aussi mieux répertorier les terres considérées comme des forêts de grande valeur écologique et d’autres mises de côté par l’industrie, et reconnaître l’importance de ces milieux naturels pour atteindre son objectif de terres protégées. Les industries énergétiques, forestières et minières peuvent toutes faire preuve de leadership en matière de pérennité, d’utilisation responsable des ressources et de conservation de la biodiversité dans le monde.

Les forêts du sud ont besoin d’être protégées

Contrairement aux forêts du nord, la majorité des forêts du sud se trouvent sur des terres privées; leur protection et leur restauration demandent donc des milliers d’actions individuelles. Heureusement, de nombreux propriétaires, fermiers, entreprises et gouvernements posent des gestes pour leur protection. De 2012 à 2016, un partenariat entre le Groupe Banque TD et Conservation de la nature Canada a permis la protection de 160 km2 de forêts dans le sud du Canada par l’intermédiaire du programme Forêts TD. Le gouvernement du Canada par le Programme de conservation des zones naturelles a égalé le financement du gouvernement provincial et d’individus permettant de protéger 4 300 km2 supplémentaires dans le sud du Canada, dont plusieurs forêts. 

L’élaboration de solutions en conservation pour les forêts du sud du Canada est primordiale pour la nature et pour la population. Ces forêts procurent des habitats pour plusieurs espèces, mais offrent également des services à la communauté. Que ce soit l’alimentation de l’eau souterraine que nous buvons, la rétention de l’eau de crue lors de pluies fortes ou la disponibilité d’espaces de loisirs, ce capital naturel est important pour le maintien de notre qualité de vie.

Il n’y a aucun doute que nous avons réalisé d’importants progrès, mais l’urgence demeure bien présente pour la conservation de nos forêts. Plusieurs nations ont reconnu le besoin d’accélérer la restauration des forêts et se sont engagées, avec le Bonn Challenge, à restaurer 350 millions d’hectares (865 millions d’acres) de milieux dégradés en milieu forestier. La restauration stratégique des forêts du sud du Canada pourrait assurer la connectivité des milieux protégés par des corridors fauniques, améliorer la santé des cours d’eau et des rivières grâce à l’effet tampon des forêts et favoriser le maintien des habitats fauniques.

Nous avons un défi unique au Canada. Sommes-nous capables de protéger nos forêts du nord, qui sont parmi les plus vastes et les plus sauvages de la planète, tout en protégeant et en restaurant les forêts dégradées et menacées du sud, où la majorité d’entre nous vivons?
Nous avons l’occasion de faire les deux. Ne serait-il pas tout à fait canadien de s’engager à protéger plus de forêts que toutes autres nations?

Liens d’intérêt (en anglais)

Global forest watch (pour connaître le couvert forestier des pays du monde)

Bonn Challenge

Natural capital

Tracking loss of intact forest landscapes from 2000 to 2013

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