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Le paradis de Sidney

Par Lucy Weston, auteure et photographe. Lucy et son époux, Scott, sont les anciens propriétaires d'une terre appartenant dorénavant à CNC, en Saskatchewan.

Pour raconter notre histoire, je dois remonter à novembre 1999, quand j’ai rencontré celui qui allait devenir mon compagnon de vie, Scott Lawrence, sur une magnifique plage de la péninsule de la Basse-Californie, au Mexique. Originaire du Royaume-Uni, j’étais en route pour le Costa Rica « sur le pouce », avec une amie. Scott, qui venait du Canada, voyageait en moto et s’apprêtait à retourner chez lui.

Scott et moi avons eu plusieurs conversations sur cette plage, dont une particulièrement mémorable au sujet de nos espoirs et de nos rêves d’avenir. Je lui ai expliqué que je faisais de la photographie et que je m’apprêtais à faire un baccalauréat dans ce domaine. Ce à quoi il a répondu qu’il souhaitait acheter un terrain dans un lieu nommé « Saskatchewan », y construire une maison écologique et adopter un mode de vie autosuffisant. J’étais intriguée par son projet, mais nous sommes repartis chacun de notre côté pour continuer notre route. Nous avons gardé contact par téléphone et par courriel et, au fil du temps, nous sommes tombés amoureux. L’année suivante, j’ai visité Scott au Canada. Il est par la suite venu habiter avec moi le temps que je termine mes études au Royaume-Uni.

Lis de Philadelphie, sur la route menant à la propriété Dundurn, Sask. (Photo by Lucy Weston)

Lis de Philadelphie, sur la route menant à la propriété Dundurn, Sask. (Photo by Lucy Weston)

En 2005, je quittais mon pays pour m’installer au Canada, enthousiasmée à l’idée d’entreprendre notre projet d’acquérir une terre et d’avoir un mode de vie autosuffisant en Saskatchewan. Nous avons d’abord travaillé et économisé pour acheter une parcelle de terrain, tout en cherchant le bon endroit. Au départ, nous étions intéressés par la forêt boréale près du parc national Prince Albert et autour de Thickwood Hills. Mais avec les longs hivers en Saskatchewan, j’avais peur de l’isolement. Quand Scott a repéré une minuscule annonce dans The Western Producer (une publication axée sur l’agriculture), nous avons été tout de suite emballés par cette parcelle de terre près de Dundurn, en bordure de Moose Wood. Nous y sommes allés le jour même et avons rencontré Sid Pryor, le propriétaire, pour une visite du terrain.

Sid était un homme âgé. Il nous a expliqué que la terre lui avait été léguée par son père après la guerre. Il avait laissé les Huttériens y faire paître leur bétail, mais le sol n’avait jamais été labouré. Avec ses 65 hectares (160 acres) de terrain ondulé peuplé d’une végétation mixte – dont 40 % étaient couverts d’une forêt de peupliers – mais aussi d’anciennes dunes couvertes d’herbes et de prairies ouvertes, cette propriété correspondait exactement à ce que nous recherchions. C’était en tous points le joyau caché que nous avions espéré.

Nous avons conclu notre entente d’achat par une poignée de main, et même si d’autres personnes l’ont approché par la suite, Sid a honoré notre promesse. Nous venions tout juste d’apprendre que j’étais enceinte. Un soir, alors que nous campions à la belle étoile sur notre coin de paradis, nous avons décidé d’appeler notre bébé Sidney, si c’était un garçon. 

Sidney est né et, avec le temps, Caleb et Madeline sont arrivés dans notre famille. Ensemble, nous avons exploré et découvert cette nature sauvage, rencontrant des orignaux, cerfs, coyotes, porcs-épics, lys des prairies, cactus, pour ne nommer que quelques espèces vivant dans ce paysage enchanteur.

À cette époque, nous étions si captivés par cet écosystème riche et diversifié qu’il était difficile d’imaginer les défis qui nous attendaient. Mais au fur et à mesure que nous élaborions les plans de construction de notre maison écologique, il est rapidement devenu évident que notre projet ne se déroulerait pas aussi rondement que nous l’avions envisagé.

Le règlement de la municipalité rurale stipule que la route qui mène à la propriété devait être élargie à 18 mètres et que des travaux de resurfaçage étaient nécessaires pour permettre son utilisation en toute saison. Il fallait donc aviser les propriétaires voisins, dont la base militaire, demander un relevé des modifications à apporter à la route et signer l’entente avant le début des travaux. Nous étions empêtrés dans un bourbier bureaucratique dans lequel s’enlisaient tous nos plans d’avenir.

Cerfs sur le chemin menant à la propriété Dundurn, Sask.  (Photo de Lucy Weston)

Cerfs sur le chemin menant à la propriété Dundurn, Sask. (Photo de Lucy Weston)

Nous avons participé aux rencontres de la municipalité rurale, lancé des pétitions et avons passé des années à essayer d’avoir l’appui de la municipalité. Nous avons finalement réalisé qu’en faisant ces modifications, l’accès à la route allait être détruit et nous allions être en faillite. Avec regrets, nous avons admis notre défaite – le rêve que nous avions partagé sur la plage ne pouvait se réaliser. Je me souviens d’être assise à la table de cuisine, je venais d’avoir 40 ans, la tête posée dans mes mains, en plein désespoir. Qu’allions-nous faire à présent? Qu’allions-nous faire de cette terre si précieuse? À quoi tout cela avait-il servi?

N’étant pas du genre à me morfondre très longtemps, j’ai rapidement décidé d’être proactive. J’ai donc commencé à m’interroger sur nos priorités. Dans un premier temps, il fallait protéger notre terre. Elle ne devait pas être altérée, exploitée ou endommagée d’aucune façon. Dans un deuxième temps, nous devions trouver un moyen de permettre à d’autres de voir cet endroit magique. Il fallait pouvoir profiter de la terre et en prendre soin pour les prochaines générations. Tout ce qu’il me fallait c’était une organisation qui allait travailler avec nous pour que cela se produise. Une brève recherche m’a amenée à Conservation de la nature Canada (CNC). Finalement, nous allions pouvoir créer une fin heureuse à notre histoire.

Après quelques échanges téléphoniques, l’équipe de CNC pour région de la Saskatchewan a mandaté Matthew Braun, directeur de la science et de la planification de la conservation, pour qu’il vienne voir la terre et toutes ses splendeurs. C’est là que nous nous sommes rencontrés et, comme par enchantement, alors que nous suivions d’anciennes traces de roues à la limite de la forêt, une mère orignal et son petit sont sortis du bois juste devant nous. 

Dès le début, c’était évident que CNC serait ravi de travailler avec nous. L’entente initiale que nous avons proposée n’a pu se concrétiser, car la municipalité régionale tenait toujours à ce que des modifications importantes soient faites au chemin. Par conséquent, nous avons dû conclure un arrangement sans compromis, soit vendre la propriété à CNC pour assurer sa protection. 

C’est ainsi qu’en août 2017, CNC a acquis notre terre dans le cadre d’un accord de conservation. Depuis, des groupes composés de botanistes, de biologistes et d’ornithologues y ont identifié et catalogué diverses espèces végétales et animales. Le site est aujourd’hui d’une grande importance, non seulement pour nous, mais aussi pour de nombreuses personnes passionnées par la nature.

Lucy Weston et sa famille (Photo reproduite avec la permission de Lucy Weston)

Lucy Weston et sa famille (Photo reproduite avec la permission de Lucy Weston)

À présent, nous vivons à Dundurn, entourés de poulets, d’un petit verger et d’un jardin phénoménal. Notre projet d’être autosuffisants se poursuit, et la terre maintenant protégée est devenue quelque chose de plus grand et d’encore mieux que ce que nous aurions pu imaginer. Nous sommes fiers d’avoir fait partie de la mission qui a permis de protéger cette terre avec CNC pour les générations futures. Nous serons toujours inspirés par ce paradis sauvage, et nous sommes enchantés de pouvoir le partager et en assurer la conservation pour le plaisir de tous.

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