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Au fond d’un bois de 1000 hectares

Protéger la magie au cœur de la forêt Happy Valley
Forêt Happy Valley, Ontario (Photo de CNC)

Forêt Happy Valley, Ontario (Photo de CNC)

Une « pluie rouge » s’est abattue un jour sur la forêt Happy Valley. Je l’ai vue de mes yeux vue! Ce n’était pas une pluie de feuilles d’érables rouges d'automne. C’était le printemps et des taches rouges marquaient les branches des arbres. J’ai des témoins, et voici ce qui s’est passé.

C’était en 2016. À l’époque, mon emploi à Conservation de la nature Canada (CNC), un organisme de bienfaisance voué à la conservation de terres privées, m’amenait à passer beaucoup de temps dans les collines au nord de Toronto. Notre équipe était plongée dans une série d’acquisitions de terres destinées à conserver le cœur de la forêt Happy Valley. Cette forêt de 1 000 hectares, qui est l’une de plus vastes étendues de feuillus de la moraine Oak Ridges, abrite de nombreuses espèces rares, en voie de disparition et sensibles.

Je guidais une famille sur un sentier menant au sommet d’une colline dans les profondeurs de la forêt. Le legs de leur père avait contribué à acheter la propriété sur laquelle nous marchions. Nous allions rencontrer le Dr Henry Barnett (Barney pour les intimes), un passionné d’ornithologie et ardent défenseur de la conservation, qui avait présenté à la famille le travail de CNC à cet endroit.

Tangara écarlate (Photo de Bill Hubick)

Tangara écarlate (Photo de Bill Hubick)

Puisque la migration printanière des oiseaux était en cours, un membre du groupe s’est demandé si nous aurions le privilège d’apercevoir un tangara écarlate. Cet oiseau rouge vif, au bec fin, est un cousin du cardinal. Pour le décrire simplement, on peut dire que c’est un oiseau rouge aux ailes noires, qui prospère dans ces bois profonds. Étonnamment, j’en ai vite repéré un entre les feuilles. J’étais en train de le pointer du doigt quand nous avons aperçu une autre forme rouge, puis une autre, se poser tout près. J’ai baissé mes jumelles et, en levant les yeux vers la canopée, j’ai pu voir des dizaines de spécimens de cet oiseau peu commun.

Nous étions bouche bée. Je n’avais rien vu de tel avant ni depuis.

Plus tard, en prenant un thé avec Barney, nous lui avons raconté notre histoire. Nous avons pu voir ses yeux briller alors que nous partagions le même enthousiasme que lui pour cet habitat forestier important, et pour le fait que cette observation rare s’était déroulée sur un site désormais protégé du développement.

Je repense à ce moment magique comme s’il était un microcosme de personnes, d’événements et de visions qui, ensemble, contribuent à la conservation de la forêt Happy Valley et d’autres sites naturels d’importance.

Quand le temps est venu pour Barney de quitter sa maison située dans la forêt, fidèle à ses engagements, il a travaillé avec CNC pour que son terrain soit conservé. Cette acquisition a été l’une de 19 transactions que CNC a menées ou appuyées pour créer un réseau de terres conservées de 324 hectares dans la forêt Happy Valley (c’est le total en 2022, espérons que d’autres sont à venir!).

Les familles Creed et Love ont fait de généreux dons de terres. Les Tasker et les Barnett ont fait don d’accords de conservation qui concèdent à perpétuité les droits de développement des propriétés visées. La plupart des transactions étaient des achats, dont plusieurs ont eu recours à un outil juridique spécial appelé « morcellement à des fins de conservation ». Il permet aux propriétaires de terres de la moraine Oak Ridges, qui fait l’objet de politiques de protection, de consacrer à la conservation des parties de leur propriété, alors que le morcellement des terres n’y est habituellement pas permis.

Forêt Happy Valley, Ont. (Photo de CNC)

Forêt Happy Valley, Ont. (Photo de CNC)

Il se trouve que la première personne à offrir sa propriété à CNC était l’une des pionnières de la protection de la moraine d’Oak Ridges, la regrettée Dorothy Izzard. Cette enseignante à la retraite comptait parmi les forces motrices de l’organisme STORM, pour Save the Oak Ridges Moraine (en anglais), toujours en activité. Je me souviens que lors d’une visite chez elle dans la forêt, elle m’a raconté à quel point elle était satisfaite de l’agrandissement des terres protégées depuis son premier don en 2001.

Les sites protégés par CNC sont reliés à d’autres terres protégées au sein de la forêt. CNC a en effet aidé l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région à acquérir Humber Source Woods, situé au sud alors que l’organisme Oak Ridges Moraine Land Trust a collaboré avec la région de York pour acheter Happy Valley Forest Tract plus au nord. (CNC a aussi contribué à cette acquisition en administrant des subventions fédérales dont il a bénéficié.) Le conseil du canton de King a pour sa part adopté en 2008 une résolution engageant la municipalité à protéger ses terres situées dans la forêt et à la maintenir à son état naturel pour que la population puisse en profiter à long terme.

Tangara écarlate (Photo de Andy Reago & Chrissy McClarren, Wikimedia Commons)

Tangara écarlate (Photo de Andy Reago & Chrissy McClarren, Wikimedia Commons)

Le sentier où nous avons assisté à cette pluie de tangaras écarlates fait aujourd’hui partie d’un populaire réseau de sentiers pédestres qui sillonne la réserve naturelle de la forêt Happy Valley. Il traverse une mosaïque de terres conservées qui s’est constituée sur près de deux décennies. Chaque étape de ce grand projet a sa propre histoire, et un coût élevé. En effet, le prix par hectare de ces propriétés était l’un des plus chers payés à ce jour par CNC. Toutefois, avec le soutien de propriétaires prêts à collaborer, le généreux appui de donateurs privés, des subventions gouvernementales et une foule de dévoué(e)s membres du personnel de CNC, la communauté s’est unie pour assurer la protection permanente du cœur de la forêt Happy Valley.

Ce patrimoine nous survivra tous.

Chaque propriétaire, donatrice, donateur et bénévole qui ont appuyé le projet avaient leurs propres motivations de participer aux efforts continus pour la protection de la forêt Happy Valley. Toutes et tous partageaient le même amour pour la forêt, qu’il s’agisse de sa beauté, de son air pur ou de ses oiseaux rouge vif.

Cette pluie de tangaras écarlates fut une expérience unique pour moi. Et d’une certaine manière, conserver le cœur de la forêt Happy Valley était une occasion unique pour la communauté. Le résultat est une aire protégée où la magie de la nature pourra continuer de s’opérer et où vous aurez peut-être vous aussi la chance d’assister un jour au spectacle exceptionnel des tangaras.

Vive la pluie haute en couleur!

 

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