facebook

Les prairies, championnes insoupçonnées de la lutte contre les changements climatiques

Activité bénévoles, Plaines du lac Rice, Ont. (Photo de CNC)

Activité bénévoles, Plaines du lac Rice, Ont. (Photo de CNC)

Par Amanda Tracey, responsable par intérim des partenariats avec le secteur public, Équipe Soutien et Opérations stratégiques à CNC

Le carbone est la base de la vie sur Terre. Tout ce que nous faisons et ce que nous mangeons en sont composés. Nous-mêmes en sommes composés.

Le carbone est stocké dans différents réservoirs − sommairement dit, dans le sol, l’eau et l’atmosphère −  et circule de l’un à l’autre; c’est le cycle du carbone. Lorsque du carbone est retiré d’un réservoir, il se déplace vers un autre. Par exemple, le brûlage de combustibles fossiles entraîne le déplacement de carbone du sol vers l’atmosphère. La circulation du carbone entre les réservoirs peut avoir d’autres incidences, par exemple, la hausse des températures atmosphériques qui est causée par l’augmentation du carbone dans l’atmosphère.

Les puits de carbone sont des réservoirs naturels qui stockent plus de carbone qu’ils n’en produisent. Les plantes constituent l’un de ces principaux puits (unités de stockage) sur Terre. Elles absorbent le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère, puis l’utilisent en combinaison avec l’énergie du soleil pour créer des sucres dont elles ont besoin. Plus tard, d’autres organismes consommeront aussi ces sucres en consommant les plantes.

Évolution du rôle des arbres dans le stockage du carbone

Si je vous demandais de nommer un groupe important de végétaux qui stocke du carbone, vous répondriez probablement : « Les arbres, évidemment! ». Et vous n’auriez pas tort. Les arbres sont les champions du stockage du carbone depuis longtemps, et les forêts servent de puits pour stocker les émissions de CO2 des humains et de leurs activités. Cependant, en cette époque où les températures augmentent, que des sécheresses en résultent et que des efforts d’atténuation des changements climatiques se poursuivent, le rôle des arbres dans le stockage du carbone n’est plus aussi tranché.

Cycle du carbone : le carbone présent dans l’atmosphère est intégré dans les plantes par la photosynthèse, avant de retourner dans l’atmosphère par la respiration, la décomposition et le brûlage de combustibles fossiles. Prairies de la propriété Waldron, Alberta, et Next Creek, Darkwoods, Colombie-Britannique (illustration de Cory Proulx).

Cycle du carbone : le carbone présent dans l’atmosphère est intégré dans les plantes par la photosynthèse, avant de retourner dans l’atmosphère par la respiration, la décomposition et le brûlage de combustibles fossiles. Prairies de la propriété Waldron, Alberta, et Next Creek, Darkwoods, Colombie-Britannique (illustration de Cory Proulx).

Comme je l’ai mentionné, plus il y a de carbone dans l’atmosphère, plus les températures sont élevées. Combinées à la sécheresse, ces températures élevées sont des facteurs importants dans la hausse du nombre de feux de forêt à grande échelle. Lorsqu’un incendie balaie le paysage, les arbres brûlés deviennent des producteurs de carbone plutôt que des puits, car ils libèrent le carbone qu’ils ont stocké dans l’atmosphère.

C’est à ce moment qu’interviennent les prairies, ces guerrières insoupçonnées de la lutte contre les changements climatiques. Celles-ci se composent principalement d’espèces non ligneuses, comme les herbes et les fleurs sauvages. La végétation des prairies est bien plus courte que celle des forêts (rarement plus haute qu’une personne de taille moyenne) et sa biomasse* au-dessus du sol est considérablement moindre que celle d’une forêt. Les Grandes Plaines d’Amérique du Nord, qui vont de l’Alberta jusqu’au Manitoba et qui s’étendent jusque dans le sud des États-Unis, sont un excellent exemple de prairie. Cet écosystème offre des habitats incroyablement diversifiés et productifs qui se caractérisent par un merveilleux mélange d’espèces de fleurs sauvages et d’herbes indigènes.

Prairies et forêts

Alors, comment les prairies peuvent-elles concurrencer les forêts en tant que puits de carbone? Bon nombre de plantes des prairies et d’étendues herbeuses sont des vivaces (repoussent chaque année) adaptées aux conditions sèches et aux systèmes racinaires qui peuvent descendre à des mètres sous terre. Ces racines constituent un excellent mode de stockage du carbone. En fait, des études ont montré que le taux de stockage du sol sous les plantes des prairies pouvait atteindre 1 700 kilogrammes de carbone par acre par année. Si une prairie prend feu, la biomasse aérienne (au-dessus du sol) brûle, mais la biomasse souterraine reste en grande partie intacte. Ainsi, même après un incendie, les prairies demeurent des puits de carbone. Par ailleurs, les prairies se régénèrent beaucoup plus rapidement que les arbres, qui prennent des dizaines d’années à pousser.

Évidemment, ces données ne signifient pas qu’il faut remplacer toutes les forêts par des prairies. Les forêts sont des habitats essentiels pour de nombreuses espèces et fournissent une grande variété de services écosystémiques. Il s’agit plutôt de souligner l’importance de la création/restauration de prairies, s’il y a lieu, ainsi que de l’amélioration ou de l’intendance des habitats de prairies existants.

Au Canada, les prairies et les étendues herbeuses sont le plus souvent associées aux provinces centrales, mais l’Ontario abrite aussi un nombre important de prairies (et de parcelles de prairies historiques et reliques). Elles vont du sud-ouest de la province jusqu’aux magnifiques plaines du lac Rice (nord-ouest du lac Ontario), et s’étendent même aux parties les plus à l’est de la province.

Stockage du carbone de l’atmosphère

J’ai participé à un projet de restauration à grande échelle qui visait à convertir 16 hectares de champs en prairies indigènes dans la zone naturelle de la côte est du lac Ontario de Conservation de la nature Canada (CNC). Ce projet visait principalement à fournir un habitat aux oiseaux de prairies en déclin comme le goglu des prés et la sturnelle des prés, mais ces nouvelles parcelles stockeront également de grandes quantités de carbone de l’atmosphère. De plus, dans la zone naturelle des plaines du lac Rice, le personnel a remis en état ou amélioré près de 550 hectares de prairie à herbes hautes indigènes sur les terres de CNC et de ses partenaires. Cette aire naturelle procure un excellent habitat pour les pollinisateurs, tout en stockant de grandes quantités de carbone sous terre.

La transformation d’un champ couvert d’espèces exotiques en une belle prairie d’espèces indigènes est un travail dont les résultats sautent aux yeux. Les gens observent que les plantes sont différentes et constatent l’augmentation du nombre de papillons et d’abeilles qui se régalent de leur nectar. Ils voient les oiseaux des prairies revenir pour nicher et élever leurs petits. Ces résultats concrets suscitent l’enthousiasme. Le fait que ces prairies sont aussi désormais d’énormes puits de carbone est cependant un résultat qui demeure invisible — cette partie de notre travail passe souvent inaperçue. Ce n’est pas un drame, car ce sont parfois les résultats invisibles rendus possibles par des guerrières résilientes et insoupçonnables (comme les prairies) qui auront sans doute les effets les plus importants sur le monde naturel qui nous entoure.

Depuis plus de 20 ans, Ontario Power Generation (OPG) appuie le travail de CNC en Ontario, y compris ses efforts de conservation et de restauration dans le comté de Prince Edward.

* Quantité de matières organiques (animale et végétale) présente dans un milieu terrestre ou aquatique donné

Pleins feux sur nos partenaires

Petits Gestes de Conservation - Participez et gagnez!