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Rétablissement d’une espèce : l’antilope d’Amérique

Antilope d'Amérique, Alberta (Avec l'autorisation de l'université de Calgary)

Antilope d'Amérique, Alberta (Avec l'autorisation de l'université de Calgary)

par Dan Kraus, biologiste principal à Conservation de la nature Canada (CNC)

Si vous demandez à des personnes habitant au Canada de vous nommer l’animal terrestre le plus rapide au monde, on vous répondra, sans même avoir vu de documentaire sur le sujet, que c’est le guépard. Peu de gens savent cependant que le deuxième animal le plus rapide de la planète vit ici, au Canada.

Malgré son nom, l’antilope d’Amérique est plus près de la girafe que de l'antilope. Ses accélérations, qui peuvent frôler les 100 kilomètres à l’heure, lui valent la deuxième place. La présence ancienne en Amérique du Nord de prédateurs similaires à des guépards explique probablement cette grande vitesse. Après l’extinction massive des grands animaux préhistoriques (mégafaune), il y a environ 13 000 ans, ces prédateurs ont disparu. C’est ce qui a permis aux antilopes d’Amérique d’évoluer. Elles ont conservé leur vitesse et leur endurance, ce qui leur permet encore aujourd’hui d’échapper à leurs prédateurs, tels que les loups. Malgré cette rapidité, l’extinction a presque réussi à rattraper cette espèce.

L’antilope d’Amérique en bref

Antilope d'Amérique, Alberta (Avec l'autorisation de l'université de Calgary)

Antilope d'Amérique, Alberta (Avec l'autorisation de l'université de Calgary)

Statut de conservation au Canada

1915 : près de l’extinction

1938 : en croissance

Aujourd’hui : en sécurité

Ce qui a fonctionné : Une réaction rapide pour trouver et créer de nouvelles aires protégées, des restrictions en matière d’activités de chasse et la création d’aires protégées d’urgence.

Un peu d’histoire

À l’époque de la colonisation européenne, la population d’antilopes d’Amérique était estimée à 30 à 40 millions d’individus. Ses immenses troupeaux n’étaient comparables qu’à ceux des bisons des plaines. Avec le développement des activités des colons dans les Prairies est venu la chasse aux antilopes et aux bisons, d’abord pour leur viande et ensuite pour freiner la concurrence qu’ils faisaient aux animaux domestiques. La chasse excessive, la perte d’habitat, les mauvaises pratiques agricoles et l’installation de plus de 1 million de kilomètres de fils barbelés à travers les Prairies ont contribué au déclin de la population d’antilopes d’Amérique. D’une très grande rapidité, mais incapable de sauter, les antilopes qui tentaient de traverser ces barbelés s’y empêtraient et mouraient.

Dès 1886, l’espèce avait disparu des prairies du Manitoba. En 1913, certains prévoyaient même que l’antilope d’Amérique deviendrait l’une des premières espèces de gros gibier d’Amérique du Nord à s’éteindre. Leur nombre avait diminué de plus de 99,99 % et se limitait seulement à quelques petits troupeaux dispersés de la Saskatchewan au Mexique. Malgré ce pronostic, l’espèce était sur le point d’être sauvée.

En effet, en 1911, le Canada est devenu le premier pays au monde à instaurer un service des parcs nationaux : la Division des parcs du Dominion (aujourd’hui Parcs Canada). Grâce à ce service, de nouveaux parcs, dont Elk Island (1913) et Wood Buffalo (1922) ont été créés, ce qui a permis de freiner le déclin de nombreuses espèces sauvages du Canada. Les antilopes d’Amérique, qui ne pouvaient être capturées, transportées et élevées dans des enclos comme les bisons et les wapitis, ne survivaient généralement pas à la captivité. Afin de remédier à cette situation, des parcs allaient devoir être créés là où vivaient ses derniers troupeaux.

En 1914, Maxwell Graham, chef du Département des Animaux de la Division des parcs du Dominion et Ernest Thompson Seton, naturaliste et écrivain de renom, ont arpenté les Prairies à la recherche des derniers troupeaux d’antilopes. Une fois les derniers individus recensés, 3 nouveaux parcs couvrant plus de 235 kilomètres carrés furent créés (de 1915 à 1922) pour assurer la protection de l’espèce : le parc national Menissawok en Saskatchewan, et les parcs nationaux Wawaskesy et Nemiskam en Alberta. Des clôtures furent installées pour maintenir les troupeaux d’antilopes à l’intérieur des périmètres de protection et la chasse fut également interdite sur l’ensemble de leur aire de répartition. Ces efforts de conservation et de protection d’une espèce contre l’extinction furent aussi rapides que l’antilope elle-même, et figurent possiblement parmi les plus urgents jamais entrepris au pays.

Ces zones de protection établie de façon urgente se sont avérées efficaces et à partir de 1936, le nombre d’individus et l’aire de répartition de l’antilope d’Amérique se sont considérablement accrus, à un point tel que l’interdiction de chasse en Saskatchewan fut levée. Vous n’avez jamais entendu parler de ces 3 parcs? Cela s’explique par la fermeture de ces « trois réserves d’antilopes » en 1947, l’objectif de sauvegarder cette espèce ayant été atteint.

De nouveau en sécurité

Antilopes d'Amérique (Photo de River Run Photography)

Antilopes d'Amérique (Photo de River Run Photography)

De nos jours, on considère l'antilope d’Amérique « en sécurité » au Canada et aux États-Unis, avec une population adulte estimée à 750 000 et une population globale stable. L’espèce est commune dans de nombreuses régions des Prairies canadiennes et est facile à repérer dans les lieux dominés par les prairies naturelles, comme la région de Pakowki Lake (Alberta) et le parc national des prairies (Saskatchewan). À l’automne 2019, on a même aperçu une antilope d'Amérique au Manitoba : une première depuis un siècle. Si la population de l'espèce continue de s’accroître, ces rares observations deviendront chose courante pour les futures générations de Manitobains et de Manitobaines.

Les antilopes d’Amérique ont toutefois encore de nombreux défis à relever, car leur habitat de prairie continue de disparaître et de se fragmenter en raison de la présence des barbelés. En effet, ces clôtures risquent de diviser les populations vivant à la frontière États-Unis/Mexique et de limiter leurs déplacements. De plus, de graves sécheresses et des hivers rigoureux peuvent provoquer le déclin des populations.

De nombreux projets appuient cette espèce emblématique des Prairies à travers son aire de répartition. Aux États-Unis, le projet Path of the Pronghorn assure la protection et la restauration de l’une de leurs plus longues voies de migration encore intactes. De plus, les automobilistes ont désormais la possibilité de signaler leurs observations grâce à l’application Pronghorn Xing conçue pour aider les scientifiques à recenser les couloirs de migration essentiels. Des clôtures adaptées aux antilopes sont également installées par des propriétaires.

Protéger l’habitat de l’antilope d’Amérique

Conservation de la nature Canada protège des milliers d’hectares de prairies indigènes dans des milieux clés pour l’antilope d’Amérique et prévoit intensifier ces efforts. D’autres mesures sont aussi mises en place telles que l’installation de clôtures adaptées à la faune. En 2019, 578 hectares (1 429 acres) ont été protégés dans l’aire naturelle du bassin de la rivière Milk, grâce à l’appui du Programme de conservation du patrimoine naturel du Canada, du gouvernement de la Saskatchewan, du U.S. Fish and Wildlife Service et de particuliers.

Aire naturelle du bassin de la rivière Milk, Sask. (Photo de CNC)

Aire naturelle du bassin de la rivière Milk, Sask. (Photo de CNC)

Les efforts de conservation s’accélèrent souvent trop tard, quand la situation devient critique. Quand un animal comme l’antilope d’Amérique s'approche de l’extinction. Ces efforts faits dans l’urgence sont essentiels. Nous devons applaudir et continuer à les mettre en pratique pour sauvegarder les espèces qui risquent de disparaître à jamais. Nous devons cependant jumeler ces efforts à un travail de conservation proactive et en amont; faire en sorte que les espèces communes le demeurent et protéger les plantes et les animaux du Canada bien avant qu’ils ne soient confrontés à une extinction imminente.

Liens d’intérêt (en anglais

Pronghorn Xing

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