facebook

La solution? Une application!

Par Deborah Carr, auteure et rédactrice indépendante

Adam Cheeseman scrute les accotements de gravier pendant que nous roulons sur une route régionale un peu à l’extérieur de Sackville, au Nouveau-Brunswick. J’aime la vue des champs bordés d’arbres, des propriétés pittoresques et des bales de foin fraichement coupé. Adam, lui cherche des animaux morts.

« On trouve assez souvent un raton laveur ou un porc-épic le long de cette route », dit-il. « Je suis surpris qu’on n’en ait pas encore vu. S’il te plaît, arrête la voiture; nous allons marcher un peu pour que je regarde dans les fossés. »

Je bifurque doucement et vais me stationner bien à l’écart de la route. Adam descend de l’auto, va dans le coffre chercher un gilet de sécurité jaune vif, puis l’enfile. « La sécurité avant tout », dit-il en attachant son gilet. Puis, tablette numérique en main, il marche sur l’accotement tout en fouillant des yeux les herbes hautes qui bordent la route.

Alors qu’il étudiait à la maîtrise en environnement à l’Université de Dalhousie, Adam n’aurait jamais imaginé parcourir le bord des routes ainsi. Mais le voici à l’œuvre. Depuis qu’il a commencé l’an dernier à faire du travail bénévole pour le projet WildPaths Maritimes de CNC, le suivi de cette section de route fait partie de sa routine, et ce, deux fois par mois, du printemps à l’automne. Cette route, il la parcourt déjà régulièrement pour visiter sa famille qui habite sur le détroit de Northumberland.

Le savoir donne du pouvoir

Le projet WildPaths Maritimes dépend de l’aide de bénévoles, comme Adam, qui parcourent les routes du sud-est du Nouveau-Brunswick et enregistrent leurs observations d’animaux (morts ou vivants) dans une application mobile puissante appelée iNaturalist. L’objectif ultime du projet est de déterminer les routes de l’isthme de Chignectou — une bande de terre étroite reliant le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse — qui présentent les plus importants obstacles et dangers pour le déplacement de la faune. Ensuite, les scientifiques peuvent s’affairer à trouver les solutions les plus sécuritaires pour les animaux et la population.

« L’isthme est un lien essentiel pour une grande diversité d’animaux », précise Paula Noël, directrice de programmes à CNC pour le Nouveau-Brunswick. « Sa géographie en fait un goulot d’étranglement naturel pour la vie sauvage. L’espace y est encore plus restreint maintenant, en raison des routes, du développement urbain, de l’agriculture et des activités de foresterie. » Mme Noël ajoute que si les scientifiques pouvaient déterminer où les animaux sont plus enclins à traverser les routes, des outils d’atténuation, comme des ponceaux ou des clôtures, pourraient être installés.

Papillon vice-roi (Photo de iStock)

Papillon vice-roi (Photo de iStock)

« Cela améliorerait la sécurité des animaux et de la population sur ces routes. Voilà où les bénévoles et iNaturalist jouent un rôle crucial », explique-t-elle, en ajoutant que les données recueillies par les bénévoles seront envoyées au ministère provincial des Transports. Cela peut aider à déterminer où sont les problèmes. Dans certains cas, CNC peut protéger les habitats naturels et travailler avec la Province pour trouver des moyens d’atténuer ces problèmes.

Au-delà de la valeur de l’isthme de Chignectou en tant que corridor naturel, la région de Moncton/Dieppe/Shédiac (partie ouest de l’isthme) attire l’attention, car c’est la communauté du Canada atlantique qui croît le plus rapidement à l’heure actuelle. Or, la croissance économique se traduit souvent par une expansion urbaine vers les zones périphériques. CNC veut s’assurer que les futurs plans de développement tiennent compte de l’importance de la conservation des milieux naturels pour les déplacements des espèces sauvages. Si les habitats de l’isthme qui assurent la connectivité disparaissent, plusieurs espèces de la Nouvelle-Écosse, comme l’orignal, perdront leur lien avec le reste du continent. Cela pourrait réduire leur diversité génétique.

« Nous avons la chance de faire une différence maintenant, nous dit Paula Noël. Pendant qu’il reste encore des habitats, nous pouvons créer un réseau d’aires protégées. Des données scientifiques, comme celles récoltées par le bénévole Adam Cheeseman, contribuent à une planification intelligente du réseau routier et de l’utilisation du territoire.

Cela permettra à la faune de traverser les routes de façon sécuritaire. »

Le projet WildPaths Maritimes, qui a été inspiré par WildPaths Vermont, fait partie de l’initiative internationale Staying Connected Initiative (SCI). SCI est une coalition d’organisations du nord-est des États-Unis et du sud-est du Canada qui travaille à protéger les corridors fauniques. Les partenaires de SCI au Québec, dont CNC, gèrent deux projets : Carapace.ca, qui collige des données sur les tortues observées le long des routes et Stop Carcasses, qui travaille aussi sur les principaux endroits où traverse la faune. Ces projets se trouvent sur l’application iNaturalist et donnent à tous la possibilité de s’inscrire pour y ajouter des observations.

« La collecte de données devient particulièrement importante à mesure que le climat change, causant des déplacements des habitats naturels, mentionne Paula Noël. Nous voyons déjà des espèces se déplacer au nord de leur aire de répartition habituelle. »

Cet article est tiré du numéro Été 2019 du Magazine Conservation de la nature Canada. Cliquez ici pour savoir comment recevoir notre magazine.

Pleins feux sur nos partenaires

Petits Gestes de Conservation - Participez et gagnez!