Escapade nocturne

Ciel étoilé, Rivière Rankin, Péninsule Saugeen Bruce, Ont. (Photo d'Esme Batten/CNC)

Par Esme Batten, directrice des programmes de CNC pour le Centre-Ouest de l'Ontario

Je comprends... C’est difficile  de se motiver l’hiver pour partir en exploration. Lorsqu’il fait -20 °C et que le vent souffle, on n’a déjà pas envie de sortir le jour; la nuit, encore moins! Pourtant, je vous mets au défi de le faire. Je vous jure que vous ne le regretterez pas!

Il y a quelques années, inspirée par des amis, j’ai commencé à prendre des photos du ciel nocturne un peu partout au Royaume-Uni. À mon retour au Canada, j’ai poursuivi mon voyage astrophotographique. Il m’a fait vivre des aventures merveilleuses, bien que glaciales.

Ne vous méprenez pas! Je n’ai presque jamais envie de m’extirper du lit pour aller en randonnée au bord de l’escarpement du Niagara à deux heures du matin, mais je ne l’ai jamais regretté. Il est difficile de trouver un sentiment de paix comparable à celui que l’on éprouve entouré d’étoiles, où tout semble plus clair. Peut-être que tout le reste dans ma vie me semble petit comparé à l’endroit où je me trouve dans la galaxie, ou que j’ai l’occasion de découvrir la forêt d’une manière qui serait impossible en plein jour. J’ai vraiment de la chance de vivre dans la péninsule Saugeen Bruce et d’avoir de nombreux sites naturels incroyables si près de chez moi.

Désignée réserve de ciel étoilé en 2004, la péninsule Saugeen Bruce est une destination pour les adeptes d'astronomie, de randonnée et d'astrophotographie. L’été, on y a une vue fantastique sur la Voie lactée et la possibilité de sortir avec des spécialistes de la région pour en apprendre davantage sur les étoiles. Mais les nuits sombres ne sont pas seulement fantastiques pour l’observation d’étoiles; elles sont également bénéfiques pour la faune et la flore.

La lumière artificielle peut aveugler les oiseaux, ce qui provoque leur collision avec des structures ou les désoriente pendant la migration. Elle peut déboussoler les mammifères et les pousser à changer leurs habitudes de chasse et d’alimentation, ainsi que perturber la floraison et la croissance des plantes. Sous la lumière artificielle, qui les attire, les insectes deviennent des proies faciles pour les oiseaux et les plus gros insectes, ce qui réduit les sources de nourriture d’autres espèces, telles que les grenouilles, les chauves-souris et les petits mammifères. Les réserves de ciel étoilé contribuent à protéger le rythme naturel de la faune. 

La Voie lactée, Sand Bay, île Cockburn, Lac Huron, Ont. (Photo d’Esme Batten/CNC)

Je passe beaucoup de temps en randonnée dans la péninsule Saugeen Bruce, que ce soit pour le travail ou avec mes ami(e)s et mon chien. À mon retour du Royaume-Uni, même si tout m’était familier, tout me semblait très différent. Je voyais la région avec d’autres yeux, je regardais les paysages d’une autre façon. Maintenant, chaque fois que j’observe un rocher sur le rivage ou une vue spectaculaire au sommet d’un escarpement, je vois d’abord le premier plan parfait pour une prise de vue astrophotographique.

Quelques mois après mon retour au Canada, j’ai parcouru certains des sites les plus emblématiques de la région pour les photographier de nuit. Parfois, j’y allais avec des amis, mais, le plus souvent, j’y allais seulement avec mon chien, Luca.

Certaines séances photo se déroulent très bien, d’autres non, comme l’ont constaté mes amies Yvonne et Darci lorsqu’elles m’ont suivi au pied de l’escarpement à minuit, à la recherche d’un sentier. Nous avions de la neige jusqu’à la taille. Nous avons fini par le trouver, mais les étoiles se sont cachées derrière les nuages pendant la majeure partie de la nuit, ce qui n’était pas idéal pour la photographie. Bien qu’environ le tiers de mes excursions ne se soient pas déroulées comme prévu, je n’ai jamais regretté une seule nuit parce qu’elles m’ont permis de sortir dans la nature et de m’aérer l’esprit.

J’ai récemment traversé le Canada avec ma cousine Amy et mon amie Maddie. Il ne s’agissait pas d’un voyage d’astrophotographie, mais elles ont souvent plaisanté sur la fréquence à laquelle je disais que tel ou tel paysage serait extraordinaire à photographier. L’une de nos nuits les plus mémorables s’est déroulée dans les badlands albertains, dans le parc provincial Dinosaur. Il y avait tellement de photos possibles, et la tranquillité de la nuit contrastait énormément avec l’agitation de la journée. J’ai beaucoup ri en marchant dans les badlands, en regardant le minuteur de l’appareil photo compter à rebours et en essayant de me prendre en photo.

Pendant ce voyage, je me suis retrouvée au sommet d’une montagne, sur des falaises côtières surplombant les Grands Lacs, au bord de chutes d’eau et dans de vastes prairies. J’ai même eu la chance de visiter un site de Conservation de la nature Canada (CNC) en Saskatchewan, l’aire de conservation des prairies patrimoniales Old Man on His Back, désignée réserve de ciel nocturne du Canada en 2015 — c’était la toute première! Il y a donc très peu d’éclairage artificiel. Ce ranch de 5 297 hectares abrite un mélange de prairies et de pâturages indigènes et sert d’habitat au bison, à la buse rouilleuse, au renard véloce et à la chevêche des terriers (une chouette). Malheureusement, je n’ai pu visiter les lieux qu’une seule nuit. Malgré la pleine lune (qui éclipse les étoiles), j’ai adoré mon expérience. J’ai même vu l’un des bisons qui circulent librement dans le ranch.

Alors, où que vous soyez, je vous mets au défi de sortir et de regarder les étoiles. C’est une expérience qui rend humble et on ne sait jamais ce que l’on peut voir! D’excellentes ressources peuvent vous aider à démarrer, notamment une série de vidéos (en anglais) réalisée par l’astrophotographe gallois Alyn Wallace.

Voici quelques-unes de mes photos sur Instagram.